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Belle Époque

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Deux copines

15 Décembre 2023, 10:00am

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Lucie ne comprend pas ce qu’Amandine trouve à Anatole Brigouleix. Râblé, le front haut. Il perdra vite ses cheveux ! Mais ils sont inséparables depuis des années. Anatole a huit ans de plus qu’Amandine. Lorsqu’elle était encore une enfant, il la faisait jouer. Et puis elle a grandi et il a découvert qu'elle était devenue une grande et belle jeune fille. Et voilà qu’Amandine va se marier avec Anatole !

- Pas avant l'année prochaine. Le temps que je termine mes études et que j'aie un poste.

- Et ta maman ?

- Tu sais comme elle est... Toujours très inquiète. Il y a des jours où elle est heureuse et d'autres où elle a peur de me perdre.

Amandine Mercier

- Elle ne sera pas seule, elle aura Léa.

- Et puis je ne vais pas l'abandonner !

- Et Anatole, qu'est-ce qu'il fait, maintenant ?

- Toujours de la radiodiffusion. Il espère devenir journaliste. Il y a un projet pour que Radio Tour Eiffel émette pour le public. Avec des informations, de la musique, des émissions consacrées à la littérature, au théâtre... (Un temps.) Et toi ? Tu m'avais parlé d'un garçon que tu as rencontré à la faculté.

- Julien ? Je ne sais pas encore...

- Il te plaît ?

- Oui, mais on ne se connaît que depuis quelques mois !

Lucie

- Et lui, tu lui plais ?

- Je crois.

Lucie fait une mimique qui fait rire Amandine.

- Et Céleste ? Et Pierre ?

- Céleste, elle va bien. Tu sais qu’elle a eu un deuxième enfant ? Cyprien. Elle a son cabinet de radiologie maintenant. Pierre, je le vois moins depuis la fin de la guerre. J'aimais bien quand il venait en permission à la maison. 

- Tu étais amoureuse de lui !

- Arrête ! C’est pas vrai ! On avait de longues discussions ensemble. Il me parlait comme à une adulte. 

- Et qu'est-ce qu'il devient ?

- Il a toujours son cabaret, le Paris-Harlem. Ça marche très bien. Il paraît qu'il y a de la bonne musique. Du jazz. 

- Et sa fille ?

- Oh, c'est compliqué. Louise, le demi-frère de Louise, la maman de Louise, Héloïse, Antoine...

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Lettre à Marguerite

13 Novembre 2023, 10:00am

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Ma petite Marguerite…

Il a plu dans la nuit et l’eau continue de s’égoutter de la toile qui couvre en partie la tranchée. Ce matin, les nuages laissent voir par endroits des lambeaux de ciel bleu. Robert discute avec Étienne et Hyacinthe en roulant une cigarette. Le front est calme de ce côté ces jours-ci. Le canon tonne du côté de Commercy. Ça doit barder, là-bas. Un monoplan traverse lentement le ciel en bourdonnant. Il porte une croix noire sur fond blanc. On tend le poing vers lui. Salaud de Boche.

Ma petite Marguerite…

Pierre s’est installé un peu plus loin et mâchonne le bout de son crayon. Pierre a fermé les yeux. Se souvenir des moments passés avec Marguerite, quand elle venait le rejoindre à l'atelier le samedi après-midi... Des souvenirs qui n'ont pas la légèreté ni l'insouciance des moments passés avec Zélie. Ni la mystérieuse profondeur de la rencontre avec Héloïse. Une certaine gravité. Oui, une certaine gravité.

Bruits de dispute. Ça se termine toujours par une dispute les parties de cartes avec Hyacinthe.

Ma petite petite fleur...

Ça sonne faux. Il n'y a jamais eu beaucoup de tendresse dans sa relation avec Marguerite. Beaucoup de pudeur et de retenue, oui, mais peu de tendresse hormis après l'amour. La même pudeur et la même retenue que celles que manifestait son père à sa maman. Et pourtant la relation entre ses parents était profonde. Vingt après, son père continuait de fleurir la tombe de Philippine.

Il avait imaginé que l'éloignement, l'absence lui permettrait de ressentir pleinement so  attachement pour Marguerite. Un sentiment si facilement affadi par la routine. Il n'en était rien...

Mais aujourd'hui il y a l'enfant qui va naître. Cela lui donne des responsabilités. On l'appellera Louis si c'est un garçon, Louise si c'est une fille. Peut-être que leur couple se construira autour de cette naissance ? Peut-être cela a-t-il été le cas pour ses parents ?

Un bruit terrible. La terre tremble. Ça vous comprime le cœur. Le sergent sort, hébété, de l'abri. Bon sang, et s'il allait mourir ? Sans voir son enfant ? Pierre est pris d'une soudaine angoisse. Que peut-il faire ? Il regarde la feuille blanche sur la planchette. À quoi bon les mots ? Marguerite et l'enfant pas encore né et déjà orphelin. Coup de sifflet.

- Onzième compagnie, à vos postes de combat !

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C'est quoi, cette nouvelle lubie ?

17 Octobre 2023, 09:00am

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Éléonore était contrariée. C'était quoi, cette nouvelle lubie ! Le tour du monde ! Une manière de se défiler, oui ! Elle venait tout juste de lui trouver un mari. Un beau parti. Bonne famille. Liée aux Rohan. Et voilà qu'Heloïse lui annonce qu'elle part pour un an avec les Du Camp ! Comme préceptrice de leurs enfants. Comme s'ils ne pouvaient pas emmener avec eux une institutrice ! Elle n'avait tout de même pas payé des études à sa fille pour qu'elle joue les nounous avec les moutards des Du Camp ! Elle les connaissait, les deux gamins. Ils n'avaient pas inventé l'eau chaude. Elle ne leur apprendrait rien ! Et puis ce n'est pas un travail pour une "de Chantenay". Un point,  c'est tout.

Elle vivait sur qu'elle planète, sa fille ? Elle allait avoir vingt-trois ans. À son retour elle en aurait vingt-quatre. Elle s'imaginait qu'elle trouverait facilement un mari à vingt-quatre ans ? Et bien sûr, ce serait à elle de lui trouver quelqu'un. Parce qu'elle se connaissait, Éléonore. Elle savait bien qu'elle ne la laisserait pas tomber. Ne serait-ce que pour ne pas entendre les réflexions de la Montfort dans son dos. "La petite Chantenay qui n'est pas encore mariée à vingt-quatre ans, vous ne trouvez pas ça bizarre ? Pourtant, avec la fortune de sa mère...". Et elle, la Montfort, pourquoi n'est-elle pas mariée ? Elle le savait bien, Éléonore, pourquoi elle n'était pas mariée. Qui voudrait d'elle ? Mais, bien sûr, personne ne disait rien. Parce que c'était la nièce de la duchesse de Roquevieille...

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Où est Pierre ?

14 Octobre 2023, 09:00am

- Tu sais où est Pierre ?

Lorsque Louis lui avait ouvert la porte, toute la contrariété de Juliette était tombée, ce sentiment d'agacement, cette colère,  même, lorsqu'elle avait reçu la lettre de Zélie. Le fait qu'il ne leur ait pas donné signe de vie depuis des mois, trois pour être plus précis, l'avait passablement irritée. Mais peut-on demander à un jeune homme de vingt ans de rendre visite à sa marraine à date fixe ? Il reviendrait, étonné lui-même qu'il se soit passé tant de temps. Mais là, c'était différent. Il s'était passé quelque chose. Quelque chose avec Zélie. Était-ce à cause de l'autre ? La fille de la haute ? Comment s'appelait-elle, déjà....

Louis lui avait servi une limonade. C'était la première fois qu'elle venait dans snon nouvel appartement. D'habitude, ils se retrouvaient chez eux. Une pièce de taille moyenne, éclairée par une seule fenêtre. Une table et trois chaises, un buffet, un poêle à charbon. Au mur, une horloge à balancier et une gravure de Joseph représentant Philippine avec ses deux enfants. Sur le buffet, un photo d’Armande jouant du piano.

Louis avait vieilli. Son visage s’était empâté et il était parcouru de profondes rides. Il avait les épaules tombantes. Elle n'allait pas l'embêter avec ça ! Il avait assez de soucis comme ça. Il n'y était pour rien, dans cette histoire. Peut-être n'était-il même pas au courant de la liaison de Pierre avec Zélie ! Louis répondit :

- Il a devancé l’appel. De toute façon, il aurait été appelé cette année.

Il se tut un temps puis reprit :

- Il a perdu son emploi chez De Dion… Il y tenait beaucoup. Il n’a pas retrouvé de boulot et il n’avait plus d’argent.

Juliette s’anima :

- Il aurait dû nous en parler ! Ou à Thérèse ! Nous aurions pu l’aider !

Louis haussa les épaules d’un air las.

- Tu sais comme il est. Et puis il devait le faire, son service. Autant le faire maintenant.

Juliette but une gorgée de limonade. La vérité, c’est qu’il avait fui ! Il ne devait pas être fier de ce qu’il avait fait. Elle se garda bien de partager ses réflexions avec Louis.

- Il le fait où, son service, demanda-t-elle ?

- À Verdun.

Juliette poussa un soupir. Le plus loin possible, en somme. Quelle tête de mule ! Tout ça à cause de l’autre. Elle lui avait monté la tête. Elle en était sûre. C’était facile, pour une fille comme elle, de séduire un gars comme Pierre…

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Antoine de Chantenay

18 Septembre 2023, 09:00am

Making of, propos recueilli auprès d'Antoine de Cbantenay

J'ai rien vu venir, Au tapis au bout de cinq minutes ! Même pas! Trois... Ça n'est même pas un hercule, ce gars. Un type comme moi, sportif mais sans plus.

D'habitude, ça marche à tous les coups. Lancé de jambe gauche, le gars en face cherche à parer, réception, pivot et droite. C'est une question de vitesse et de précision. Mais il était où, ce type ? Ma jambe droite est partie dans le vide, et il n'a eu qu'à me donner une chiquenaude pour me déséquilibrer. Chapeau, le gars.

Un ouvrier. J'ai bien envie de l'inviter. Ça va faire râler Eugène, qui s'imagine que tous les ouvriers sont des anarchistes. Ou des socialistes. Justement, la voiture de mon père est déréglée. Puisqu'il travaille chez De Dion-Bouton, il devrait pouvoir arranger ça.

Un ouvrier chez les "de Chantenay". Si Madame ma mère savait ça, elle ferait une attaque. Mes sels, mes sels... Bon, je sais, j'exagère. Elle se donne du mal, ma maman, pour se faire accepter dans les salons du Boulevard Saint-Germain. Que voulez vous... Complètement dépassée, la vieille ! Elle aurait naître cinquante ans plus tôt. Eugène aussi, par certains côtés.

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Qu'est-il arrivé à Chabot ?

20 Février 2023, 10:00am

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Le romancier est très injuste avec les personnages secondaires. Ils se prêtent avec bienveillance à son récit et, dès qu'il n'a plus besoin d'eux, pfuittt, les voilà jetés aux oubliettes. Nous avons voulu réparer cette injustice...

Condamné à la déportation en Nouvelle-Calédonie… Ça n’était pourtant pas un meneur, Chabot. Pas un danger pour la société ! Il était plutôt du genre non violent. Pas sûr qu’il ait pris les armes. Je le vois plutôt comme brancardier. Ou en train de ravitailler les combattants sur les tranchées. Seulement, c’est un pur, Chabot. Il a voulu être solidaire de ses camarades. Et il a écopé de vingt ans de déportation en Nouvelle-Calédonie.

Des mois de traversée à bord de la Danaé, un rafiot qui a appareillé de Rochefort à l’été 1872. Une antique frégate en bois aménagée pour « accueillir » les déportés. Pas vraiment une croisière. Fouille au corps dès l’embarquement, quolibets des marins qui détaillaient son anatomie. Il s’est rebiffé, Chabot. On ne traite pas les hommes comme ça ! On est en République, non ? Encagé avec une soixantaine de fortes têtes, ou supposés tels. Une cage de trois mètres de large, vingt mètres de long. Vous imaginez la promiscuité… Des mois de navigation sans voir le jour. Ou rarement, une demi-heure sur le pont sans bouger lorsque le capitaine le décidait. Mal de mer, vomis, odeur pestilentielle. Au menu, un bol de café le matin, un morceau de pain avec du lard à dix heures, soupe aux légumes secs le soir. Et, bien sûr, pas de gobelet ou de gamelle pour tout le monde. On mangeait à tour de rôle. Certains sont devenus fous. D’autres ont attrapé le scorbut et sont morts pendant la traversée.

C’est un Chabot affaibli et décharné qui a débarqué à Nouméa. Oh, pas pour longtemps ! Deux mois après son arrivée, il a embarqué pour l’Île des pins. Une île paradisiaque. Un enfer pour les déportés. Privés de tout, et surtout de l’espoir, ils ont dû tout organiseur eux-mêmes. Rien n’avait été préparé pour les accueillir. Ils étaient trois mille à l’arrivée sur l’île, tous des hommes jeunes. Quelques femmes aussi. Trois cents sont morts.

En 1880, la nouvelle de leur amnistie les a tous surpris. On se souvenait d’eux, là-bas ? Chabot est revenu à bord du Picardie. Arrivé en métropole, on lui a signifié son interdiction de séjour dans le département de la Seine. Il en a bavé, Chabot. Enchainant les petits boulots. Mais, vu son état de santé, il ne gagnait pas grand-chose. Il n’était déjà pas bien gros… Par chance, il a rencontré un gars qui faisait de la retape pour embaucher des gars volontaires pour aller en Algérie. Ancien communard ? Tu seras pas le premier ni le dernier. On a déjà pas mal de tes copains là-bas.

C’est comme ça qu’il s’est retrouvé à Maison-Carrée. Une aubaine, on était en plein développement des vignobles des coteaux de l’Harrach. Fort de son expérience, il trouva du boulot dans l’entrepôt d’un exportateur de vins et d’alcool. Un peu comme s’il recommençait à zéro. En 1884, il s’est mis en ménage avec Mariette Durouy, une petite qui avait dix ans de moins que lui et qui avait perdu son mari deux ans plus tôt. Elle avait du bien, comme on dit. Chabot a pu devenir son propre patron !

Je crois qu’il a été heureux en ménage. Il devait avoir dans les cinquante cinq ans à l’époque. Lui-même ne le savait pas très bien. Ou alors il ne voulait pas le dire. Il ne s’est plus jamais occupé de politique.

Nota : Chabot est l'homme à tout faire des entrepôts Marchal au sein desquels Louis Panetier a commencé comme apprenti. C'est lui qui lui a appris le métier.

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Qu'est donc devenue Madame Bigot ?

3 Février 2023, 10:00am

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Eh oui, qu’est-elle devenue ? Elle avait bien aidé Louis, quand il s’est installé avec Antoinette. Vous vous dites, pendant le siège, elle n’a pas dû faire des affaires. C’est sûr… Mais elle a de la ressource, Madame Bigot. Elle a proposé ses services à la Croix-Rouge qui distribuait de la soupe au plus démuni. C’est que pour accommoder les animaux qu’on leur amenait, rats, pigeons, chevaux faméliques, et surtout pour ne pas en perdre un morceau, il faut avoir un certain savoir-faire. La soupe de madame Bigot était appréciée. Remarquez, quand on n’a pas mangé depuis deux jours, on ne fait pas la fine bouche.

Non, c’est après que ça a mal tourné. Elle n’a pas fui avec les bourgeois qu’on voyait détaler à la fin du mois de juin 71, avec une charrette remplie de trucs improbables, tableaux, horloges, malles, porte-manteaux, regardant autour d’eux d’un œil soupçonneux les prolos qui les toisaient d’un air goguenard en les abreuvant de quolibets. Et pourquoi serait-elle partie . Elle était appréciée, Madame Bigot. Elle avait rouvert son restaurant et il ne désemplissait pas. Elle avait embauché une jeune qui n’avait plus que la peau sur les os et qui a vite retrouvé de bonnes joues. À croire qu’elle s’enfilait la moitié de l’assiettée des clients entre la cuisine et la salle du restaurant. Elle ne disait rien, Madame Bigot. Les assiettes sont toujours bien servies, chez Madame Bigot.

C’est vers la troisième semaine d’avril que ça a mal tourné. La clientèle de Madame, ça n’était plus Anselme ou Monsieur Paul. Des gens qui payaient sans faire d’histoires. Les nouveaux clients, ils avaient toujours une bonne raison pour ne pas payer. Et mieux valait ne pas leur faire de remontrances, parce qu’ils rappliquaient avec quelqu’un du comité, qui lui faisait la morale. C’est qu’il ne faisait pas bon être patron, ou patronne, à cette époque. Même Albertine, la petite jeune qui s’envoyait des morceaux de viande crue dans la réserve, prenait ses aises. Elle passait plus de temps à roucouler avec ceux de la section des gardes nationaux de l’arrondissement qu’à faire le service ou la vaisselle. Et elle avait une façon de vous regarder avec un petit air insolent !

Alors, Madame Bigot a décidé de prendre ses cliques et ses claques. C’était en début mai. Elle s’était constitué un petit pécule avant la guerre. Et elle n’y avait pas touché. Elle a fait son baluchon et elle est partie en pleine nuit. Elle est passée par la poterne des peupliers. On lui avait dit que, là-bas, ceux qui faisaient la garde passaient plus de temps à boire et à taper le carton qu’à surveiller.

Les Versaillais avaient établi leur poste à la Vache Noire. Des gens qui fuyaient, il en passait tous les jours. Celle-là avait l’air d’une brave femme. En tout cas, pas d’une espionne. Elle avait caché ses économies et ses bijoux dans son corsage. Il y avait de la place, dans son corsage, parce que Madame Bigot avait une belle poitrine. Et si quelqu’un avait osé avancer une main pour la fouiller, il aurait pris une bonne gifle. Non, mais des fois !

Après ça, elle avait trouvé une charrette qui l’avait menée jusqu’à Arpajon. À Arpajon, elle avait trouvé un roulier qui avait accepté de l’amener à Étampes. Après un périple de trois semaines, elle était arrivée à Orléans. Elle avait un cousin maraîcher à Orléans. Ils se sont mis ensemble. En tout bien tout honneur, n’allez pas croire… et elle a ouvert un nouveau restaurant. Si vous passez par Orléans, je vous le conseille. Rue du Cheval rouge. Le Chapon rôti, vous ne pouvez pas le manquer !

Nota : Madame Bigot a tenu un restaurant rue de Reuilly sous le second empire. Chabot, l'homme à tout faire des entrepôts Marchal, y a amené Louis plus d'une fois. C'est dans le restaurant de Madame Bigot qu' eu lieu e repas de  noce de Louis.

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Mimi, serveuse dans un bar

31 Janvier 2023, 10:00am

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Moi, je voulais pas. Ce sont les autres filles… Je suis sûre qu’elles l’ont fait exprès. Pour me piéger. Le patron veut pas qu’on reste à ne rien faire après notre numéro si un client arrive. Et quand Léon Brignon est arrivé, comme par hasard, j’étais la seule qui était disponible… J’ai bien vu qu’elles se faisaient un clin d’œil ! Elles le savaient, que j’étais la meilleure amie d’Odette.

Seulement, Léon, c’est pas un client comme les autres. Il prend tout pour argent comptant. Il a cru que j’en pinçais pour lui, et ça l’a flatté. Après… Il ne voulait plus me lâcher. Pourtant, Odette est bien mieux que moi. Je comprends pas…

Enfin, si… Les filles comme moi, quand on a un physique banal, si on veut retenir les hommes, faut leur faire des trucs que leur femme ne leur font pas.. Je suis sûre qu’Odette n’avait pas besoin de ça quand elle était avec nous. Avec le physique qu’elle a, elle pouvait poser ses conditions. Moi, c’est pas pareil. Oui, je sais, c’est pas très reluisant, mais qu’est-ce que vous voulez… Léon, ça lui a plu. Il avait beau avoir la plus belle femme de Paris, il aimait ce que je lui faisais. Il ne pouvait pas s'en passer. On est resté deux ans ensemble. Il venait tous les mardis. C’était son jour.

Et puis, le patron a voulu changer le programme. Il a fait venir des petites annamites. C’est à ce moment là qu’a commencé la dégringolade. Léon est tombé amoureux d’une petite contorsionniste. Mignonne. Si on aime les asiatiques, bien sûr. Et plus jeune que moi. Alors il m’a laissé tomber. Allez retrouver quelqu’un à mon âge ! J’ai trente-trois ans. La petite annamite a combien… Dix-sept ? Dix-huit ? Allez lutter contre une jeunette. J’ai bien compris que le patron ne me gardait que parce que j’étais avec Léon. Dès qu’il a vu que Léon préférait la petite contorsionniste, le patron m’a virée. Je me suis retrouvée sans ressources. Alors, évidemment…

J’ai cherché un autre engagement. On n’a pas voulu de moi. Nulle part. J’avais un peu d’argent de côté, mais ça file vite, l’argent. J’ai tenu un mois. Au bout d’un mois, j’étais bien obligée de faire comme les autres. Comme les filles qui n’ont pas de mec et pas de boulot. Vous croyez que ça me plaisait ? Y en a qui pensent qu’on fait ça par plaisir… J’voudrais bien les y voir ! Parce qu’on rencontre des beaux salopards, quand on fait le trottoir. Des tarés ! Des vicieux.

Je me suis fait coffrer au bout de trois semaines. Remarquez, c’est ça qui m’a sauvée. Je suis restée un mois en prison. C’est là que j’ai rencontré une bonne sœur qui m’a prise en pitié. Elle m’a obtenu une place comme serveuse dans un bar. Un bar comme il faut. Où les clients viennent pour consommer, pas pour tripoter les serveuses. Même s’il y en a qui essaient. Mais s’ils se font piquer, le patron les vire aussi sec. Je gagne beaucoup moins qu’au Paris Tropical, mais le soir, je peux me regarder dans la glace. Je fais un boulot honnête.

C’est pas beau quand même, ce que je vois dans la glace. J’ai picolé pendant que je faisais le trottoir. Et ça m’arrive encore de prendre une cuite, les jours de cafard. Ça laisse des traces.

L’autre jour, quand j’ai vu Odette au tribunal, ça m’a fait un choc. J’aurais bien aimé qu’on reste amie. Mais je la comprends, elle voulait tirer un trait sur sa vie d’avant… Et maintenant, c’est trop tard. Après ce qui c’est passé. Après ce que je lui ai fait…

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Le commissaire Ganimard, fin limier de la police française

27 Janvier 2023, 10:00am

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Extrait d'un article paru dans La Voix du Patriote Parisien peu après l'arrestation de madame Odette Brignon.

Le commissaire Ganimard a acquis une certaine notoriété en raison de la traque incessante qu'il a mène contre un malfrat de sinistre réputation, le dénommé Arsène Lupin. Arsène Lupin est passé à la postérité grâce aux récits romancés que Maurice Leblanc a fait de ses multiples méfaits. Cet individu, cambrioleur de son état, a d'ores et déjà dévalisé un bon nombre de personnalités de la bonne société parisienne. Maurice Leblanc a fait de lui une sorte de Robin des bois des temps modernes, un gentleman cambrioleur, selon son expression. Le succès des livres de Maurice Leblanc, dont certains ne sont, à n'en pas douter, que de pures fictions tant les aventures qu'ils narrent sont peu crédibles, le succès de ces livres, donc, tient en grande partie à l'esprit volontiers frondeur de nos compatriotes qui n'aiment rien tant que les histoires tournant en ridicule les fonctionnaires de la Préfecture de police qui consacrent leur vie à les protéger des monte-en-l'air, tire-laine et autres malandrins qui pullulent dans notre capitale.
La facilité avec laquelle Arsène Lupin échappe à la traque du commissaire, dont l'intuition et la sagacité ont une nouvelle fois été démontrées par la rapidité avec laquelle il a résolu l'énigme du meurtre du député Brignon, relève certainement des puissantes relations que cet odieux personnage entretient avec la racaille radicale, si prompte à fouler aux pieds les principes les plus sacrés de notre société.

Nous avons rencontré le commissaire Ganimard. C'est une homme de belle prestance, élégant, fort éloigné de l'image de l’enquêteur que donne les mauvais romans policiers. Nous lui avons posé quelques questions sur l'affaire qui nous intéresse.

- Commissaire, comment avez-vous fait pour mener aussi rapidement à son terme votre enquête sur la mort suspecte du député Brignon ?

- L'intuition. Et vingt ans de métier. Vous savez, quand on a, comme moi, traité la plupart des affaires criminelles qui ont émaillé ces vingt dernières années, on a acquis une solide connaissance de l'âme humaine et de ses ressorts. Dès que j'ai eu connaissance du passé de Madame Brignon, de sa liaison avec le Docteur Mercier et des résultats de l'autopsie, j'ai acquis la certitude de sa culpabilité.

- Madame Brignon a-t-elle avoué son crime ?

- Non, mais cela n'a pas d'importance. Les faits parlent d'eux-même.

- Pensez-vous que le Docteur Mercier soit impliqué dans ce meurtre ?

- Non, Monsieur Mercier est un chirurgien connu opérant à l'hôpital de la Pitié. Je ne le vois pas tremper dans une affaire aussi sordide.

- Quand Madame Brignon sera-t-elle jugée ?

- Le plus rapidement possible. Je tiens mon dossier à la disposition de la justice. Un dossier dont le contenu se limite à quelques pièces, d'ailleurs, tant l'affaire est simple et cousue de fil blanc.

- Pensez-vous qu'elle sera condamnée ?

- Cela ne fait aucun doute. Et avec la plus grande sévérité !

- Ne craignez-vous pas que le jury se laisse apitoyer et lui accorde des circonstances atténuantes ? Après tout, il s'agit d'un crime passionnel...

- Un crime passionnel ? Vous plaisantez ! Madame Brignon est une cocotte qui agit froidement. Elle a froidement séduit Monsieur Brignon, un député conservateur respecté. Elle l'a tué froidement pour jeter son dévolu sur un jeune chirurgien plein d'avenir. Si un juste châtiment ne l'arrête pas, elle se débarrassera plus tard de Monsieur Mercier si elle trouve un parti plus avantageux encore.

- Je vous remercie Monsieur le commissaire.

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Assassinat du député Brignon

25 Janvier 2023, 10:00am

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Le matin du 13 novembre 1901 à neuf heures du matin, le corps de Léon Brignon a été retrouvé sans vie dans son bureau à l’Assemblée nationale. Le commissaire Ganimard a été chargé de l’enquête. Il soupçonne Odette Brignon, son épouse, d'avoir empoisonné son mari.

 

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Une soirée à l'opéra

9 Janvier 2023, 10:00am

- Qui est la jeune femme à côté du député Brignon ?

Madame D’Ambremer désignait d’un geste du menton une jeune femme au quatrième rang de l’orchestre. Une très jolie jeune femme d’ailleurs. Avec un adorable visage en forme d’amande, une bouche gourmande, de grands yeux noirs et des cheveux, noirs également, arrangés de façon qu’on puisse voir qu’ils étaient frisés malgré le chignon qui les domestiquait. (Cette description n’est que le reflet de l’opinion de l’auteur, un mâle hétérosexuel. A en juger par l’air dédaigneux qu’affichait Madame D’Ambremer, elle ne semblait pas partager cette opinion flatteuse.) La grâce juvénile de la jeune femme tranchait avec l’aspect emprunté, disons même empesé, de son voisin. Elle n’était sans doute pas accoutumée à fréquenter l’endroit car elle tournait les yeux  à droite et à gauche à tout moment pour ne pas perdre une miette du spectacle que donnaient les habitués du lieu. La plume de son chapeau suivait le mouvement de sa tête et virevoltait devant les yeux de la personne assise derrière elle.

- C’est sa nouvelle femme, dit la comtesse de Chagny.

- Sa nouvelle femme, s’indigna Madame D’Ambremer ! Depuis quand laisse-t-on entrer des personnes de mauvaise vie à l’opéra ?

- Que voulez-vous, nous sommes en République, laissa tomber la grosse Montfort d’un air pincé.

- Quand même ! Il faudra m’expliquer, d’ailleurs, pourquoi la droite monarchiste a accordé son investiture à un homme divorcé…

- Le premier mariage a été annulé par le tribunal ecclésiastique du Puy-en-Velay.

- Annulé, mais consommé, répliqua Madame D’Ambremer.

Madame de Pontchartrain agitait son éventail d’un air ennuyé. Ces ragots ne l’intéressaient pas. Éléonore de Chantenay s’agitait sur sa chaise sous l’œil perfide de la Montfort. Celle-ci lui demanda avec une innocence feinte :

- La première femme du député Brignon n’est-elle pas une de vos cousines ?

Éléonore se redressa. Sale garce… (Ce mot peut paraître déplacé dans la bouche de Madame de Chantenay, mais, d’une part, Louise de Montfort est effectivement une garce et, d’autre part, Éléonore de Chantenay est née Coupereaux. Son grand-père, maître de forges à Commentry, était connu pour son franc-parler.) Madame de Chagny ne lui laissa pas le temps de répondre :

- Il paraît qu’elle s’est mariée avec un mulâtre !

- Un nègre, vous voulez dire ! Il est noir comme l’ébène, dit la Montfort.

Alors là, c’était trop fort. A peine café-au-lait. Éléonore se mordit les lèvres pour ne pas réagir. Madame de Pontchartrain surprit tout le monde en se mêlant de la conversation :

- On m’a dit qu’elle avait fondé une association de bienfaisance… On m’en a dit beaucoup de bien.

Louise de Montfort resta pantoise. C’est que Madame de Pontchartrain avait ses entrées à l’archevêché… Mais tout de même ! Une association qui s’occupe de jeunes filles dépravées… Louise de Montfort s’y connaît en matière de charité. Elle sait jusqu’où il faut aller. Si on facilite la vie de ces jeunes filles, pourquoi se priveraient-elles ? Pourquoi reviendraient-elles dans le droit chemin ?

Le brouhaha des conversations se tut. Le chef d’orchestre reprit sa place. L’ouverture du deuxième acte fut exécutée prestement. Puis une bande de soldats, d’étudiants et de villageois envahit la scène en chantant :

Vin ou bière, bière ou vin / Que mon verre soit plein ! / Sans vergogne, coup sur coup, un ivrogne boit tout…

On attendait surtout l’apparition de la Carlotta. La semaine précédente, on avait dû interrompre la représentation. La diva avait la voix voilée. C’était la première fois qu’elle remontait sur scène. Certes, dans le deuxième acte, Marguerite n’a qu’une réplique :

- Non Monsieur, je ne suis demoiselle ni belle, et je n’ai pas besoin qu’on me donne la main.

Mais c’était suffisant pour juger si la cantatrice avait retrouvé le plein usage de son organe vocal !

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Clément Saint-Marie

2 Décembre 2022, 10:00am

Bonus

Tout noter. La moindre dépense. Il en était réduit à ça. Avant, il pouvait se permettre de ne pas compter. Ça ne voulait pas dire qu’il dépensait « sans compter » ! Mais il savait qu’en étant raisonnable il ne dépasserait pas son budget. Son père lui envoyait cent francs par mois. Répartis sur l’année, cela lui faisait 23 francs par semaine. À l’hôpital, il touchait cinq par semaine, parfois plus. Pour compléter, il donnait des cours particuliers le jeudi. Une charge : pendant ce temps-là, il ne travaillait pas sa médecine. Mais avec ça, il pouvait compter sur trente-cinq francs par semaine.

Côté dépense, le plus gros poste était la nourriture. La popote à l’hôpital coûtait vingt-cinq sous. Mais la popote était la popote. Clément était résolu à manger sainement. Il tâchait donc de compléter par des produits frais. Il s’était fixé un budget de deux francs et dix sous par jour, trois francs le dimanche. Dix-huit francs par semaine en tout. À cela il fallait ajouter cinq francs de loyer. Il aurait pu trouver moins cher mais il tenait à avoir un petit cabinet de toilette et à être près de l’hôpital. Plus un passage aux bains publics une fois par semaine, le blanchissage des vêtements. Un futur médecin, qui croit à l’importance de l’hygiène, se doit d’être exemplaire. Le charbon pour le poêle en hiver, l’huile pour les lampes. Les vêtements. Une paire de chaussures neuves, neuf francs ! Le journal trois fois pas semaine, quelques livres. En étant raisonnable, il pouvait se permettre quelques extra. Une sortie le soir avec d’autres étudiants, une exposition, une soirée au théâtre, au poulailler bien sûr.

Mais comment faire maintenant ? Depuis qu’Elle était entrée dans sa vie, il n’y arrivait plus. Il avait dû accepter de donner d’autres cours particuliers. Faire des nuits supplémentaires à l’hôpital. Et malgré ça, l’argent qu’il avait gagné l’été en faisant des traductions de livres en espagnol lui filait entre les doigts. Il serait bientôt à sec. Il ne pouvait quand même pas lui demander de payer sa place lorsqu’ils sortaient ensemble ! Ou même simplement le verre de limonade qu’ils prenaient dans un café ! C’était à contrecœur qu’il avait accepté qu’Elle paie sa part. Au moment de régler, elle se débrouillait toujours pour avoir de la monnaie ou un billet dans la main. Il rougissait, il protestait mais il était bien obligé d’accepter. Comment aurait-il pu faire autrement ? Elle plissait les yeux, faisait la moue et lui disait :

- Tu paieras la prochaine fois, je te le promets.

Ou bien :

- Tu ne vas pas te mettre à bouder !

Puis elle lui pressait la main et il ravalait son orgueil…

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