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Belle Époque

La France, grande puissance à la Belle Epoque ?

27 Mars 2023, 09:00am

Publié par Hervé

Un peu d'histoire...

La France sort de la guerre avec la Prusse très affaiblie. Elle est affaiblie sur le plan démographique et sur le plan économique, avec la perte des riches régions de l’est qui entraine celle des industries et des gisements de Lorraine. Elle est aussi isolée sur le plan diplomatique. Les autres pays européens regardent plutôt vers le tout nouveau Reich allemand que vers cette France qui a fait sa n+unième révolution. C’est le cas du Royaume Uni. On sait que l’empereur Napoléon était anglophile et c’est en Angleterre qu’il s’est exilé. Ces liens affectifs n’expliquent pas tout, ni le cousinage entre la reine Victoria et l’empereur d’Allemagne. La concurrence à laquelle se livrent la France et le Royaume Uni en Afrique et au Moyen Orient est source de nombreuses tensions, tensions qui vont culminer lors de la crise de Fachoda en 1898.

Sur le plan économique, les années 1870, 1880 et la première moitié de la décennie qui suit sont marquées par une stagnation de longue durée. L’exposition universelle de 1878 (boudée par le Royaume Uni) et celle de 1889 ne parviennent pas à stimuler la production industrielle. Ni la politique d’expansion coloniale qui, pour le moment, coûte plus qu’elle ne rapporte. Dans un premier temps, son objectif est d’ailleurs plus politique qu’économique : c’est un exutoire qui cherche à redonner de la fierté à un pays profondément humilié par la défaite.

L'empire colonial

La stagnation économique cache cependant une réalité plus contrastée. L’agriculture se porte bien. Elle est le secteur de l’économie auquel les Progressistes et le gouvernement de Méline accordent la plus grande attention. Le secteur des transports, et en particulier le chemin de fer, fait l’objet d’investissements massifs (plan Freycinet). A la fin du XIXe siècle, la France sera dotée d’un réseau reliant entre elles pratiquement toutes les sous-préfectures. Ce réseau joue un rôle important dans la bonne santé du secteur agricole et contribue à baisser les prix de l’alimentation. Les chemins de fer nécessitent de gros investissements, ils contribuent à restructurer le système financier qui voit émerger des banques puissantes.

C’est ce qui explique le rebond spectaculaire au cours des dernières années du XIXe siècle, et la croissance qui ne faiblira pas jusqu’en 1914. Des industries de pointe se sont développées, l’automobile, l’aéronautique, la production et les équipements électriques, dans une moindre mesure, l’aluminium. La détente avec le Royaume Uni (entente cordiale) alimente ce rebond. Les 14 premières années du XXème siècle sont peut-être celles qui méritent vraiment l’épithète de Belle Epoque !

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1900

23 Mars 2023, 10:00am

Publié par Hervé

1900… Le Président Émile Loubet inaugure l’Exposition universelle de Paris alors que s’ouvrent les deuxièmes jeux olympiques. Pierre Waldeck-Rousseau a succédé à Charles Dupuy à la Présidence du conseil et a réuni autour de lui un gouvernement de Défense républicaine. Où en sont les héros de notre roman ? Petit tour d'horizon des différents personnages, principaux et secondaires. Sans divulgâcher, bien sûr...

Louis Panetier a 51 ans. Il a deux enfants, Pierre et Armande. Pierre, a 15 ans, Armande en a douze. 

Thérèse Archambaud a 35 ans. Elle a trois enfants, Céleste, née en 1885, Georges, né en 1897 et Lucie, née en 1900.

Clément Sainte-Marie a 32 ans. Il travaille à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et donne des cours à la faculté de médecine.

Odette Chardon a 30 ans en 1900. Elle a deux enfants, Aristide, né en 1895 et Amandine, née en 1900.

Léon Brignon a 46 ans, fils d’un industriel de la métallurgie, il a été élu député en 1898.

Alexandre Mercier a 27 ans. Il termine ses études de médecine.

Charles Brigouleix a 59 ans. Il occupe un poste important au "Temps", un journal conservateur.

Rosalie Lambert a 42 ans, c’est une ancienne chanteuse lyrique. Elle a deux enfants, Mathilde et Anatole.

Juliette Legrand a 50 ans. C’est la marraine de Pierre Panetier. Elle est mariée à Joseph Legrand (né en 1843), un dessinateur qui a connu son heure de gloire au début des années 1890.

Éléonore de Chantenay a 38 ans en 1900. C’est une lointaine cousine de Thérèse.

Isidore Beautrelet a vingt-et-un ans en 1900. C’est un jeune journaliste travaillant au Temps.

On ne connait pas l’âge de Madeleine, une annamite (Quinh Anh de son vrai nom) contorsionniste au Paris-Colonial.

François-Félix Wenger a quarante-huit ans. Il est l’amant de Lola, une chanteuse de cabaret amie de Madeleine.

La duchesse de Roquevieille a soixante-deux ans. Elle a tenu un salon dans lequel se retrouvait la bonne société du Faubourg Saint-Germain et les hommes politiques de la droite constitutionnelle au cours des deux dernières décennies du XIXe siècle.

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Gustave Eiffel, un industriel de la Belle Époque

20 Mars 2023, 10:00am

Publié par Hervé

Un peu d'histoire...

S'il est un personnage emblématique de la Belle Époque, c'est bien Gustave Eiffel. Né en 1832 à Dijon, il est mort en 1923 à Paris. Sa famille est d'origine allemande et originaire de l'Eifel, en Rhénanie du nord. Gustave Eiffel a choisi d'abandonner le patronyme de ses ancêtres pour un nom qui avait moins une connotation moins germanique.

Il obtient le diplôme d'ingénieur de l’École centrale des arts et manufactures en 1855. Son premier ouvrage métallique est un modeste pont en acier pour la Compagnie de chemins de fer de l'ouest. Il n'a que 26 ans lorsqu'il réalise son premier grand chantier : le pont ferroviaire de Bordeaux, encore visible aujourd'hui. La hardiesse de ses réalisations font très vite de lui un ingénieur-architecte-industriel renommé. On fait appel à lui pour réaliser des charpentes métalliques de longue portée (comme la galerie des machines du palais omnibus de l'Exposition universelle de 1867, salle des machines de l'Exposition universelle de 1889...), des gares (gare de Verdun, de Budapest...) et bien sûr des ponts et des viaducs (pont de Lisbonne, viaduc de Garabit, viaduc sur le Vecchio...). Son grand œuvre est, bien sûr, la tour Eiffel. Ce n'est pourtant pas lui qui l'a conçue, mais deux ingénieurs travaillant pour lui, Émile Nouguier et Maurice Koëchlin. C'est cependant à lui et à son génie d'entrepreneur  que revient d'avoir mené cette entreprise titanesque en un temps record.

Fort de ce succès, Eiffel se lance dans la construction des portes des écluses du canal de Panama. En 1893, l'énorme scandale déclenché par la faillite de la compagnie et les manipulations frauduleuses qui ont cherché à la masquer l'atteint de plein fouet. Il est condamné à deux ans de prison et à 20000 francs d'amende. Le jugement est cassé et une commission d'enquête le lave de tout soupçon de corruption. Son honneur est cependant entaché et l'opinion publique le regarde avec méfiance. Même la tour Eiffel est menacée de destruction (il n'en a la concession que jusqu'en 1910). C'est la TSF qui va sauver la dame de fer. Quel plus beau mat pour supporter une antenne de radiodiffusion ? L'armée voit également en elle un observatoire pour détecter l'approche d'avions ennemis.

A l'époque, Eiffel s'intéresse à l'aviation. Il fait construire une soufflerie au Champ de Mars, puis à Auteuil. Les travaux sur l'aérodynamique le passionnent. Il est alors âgé de près de quatre vingts ans. Il meurt en 1923 dans son hôtel particulier, rue Rabelais, à Paris.

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Actualité de la Belle Époque

16 Mars 2023, 10:00am

Publié par Hervé

La période à laquelle on a donné le nom de "Belle Époque" a suscité, au cours de ces dernières années, un regain d'intérêt. On peut attribuer deux raisons à cet intérêt :
- La résurgence dans l'actualité de débats autour de "mythes fondateurs" de la société française qui ont été établis sous la IIIe République (comme la laïcité).
- La fascination (et la nostalgie) exercée(s) par une époque où Paris était le centre de la création artistique et la ville de tous les plaisirs.
Les publications sur le sujet se partagent entre contributions au mythe et analyses critiques.

Les 3 dernières années ont été riches en commémoration. Si celle de la bataille de Sedan n'a intéressé que la presse locale (L'Ardennais), la cérémonie organisée pour les 150 ans de la proclamation de la République  a retenu l'attention des principaux média (ex : L'opinion, 150e anniversaire du 4 septembre, Jean-Dominique Merchet). Les commémorations relatives à la Commune de Paris ont été plus polémiques (voir Le Monde, Denis Costard, Légende noire contre légende rouge, 2021).

Cette série d'événements et le contexte actuel ont amené les journalistes et les historiens à revisiter l'histoire de cette période, à commencer par le jugement porté sur l'empereur Napoléon  III (voir Le Point, Pourquoi il faut mieux considérer l'héritage de Napoléon III, Thierry Lentz, 2023). De son côté, La Marche de l'histoire a publié un hors série en 2020 sur le thème "La IIIème République, 70 ans d'histoire heurtée". Jules Ferry cristallise sur sa personne des débats très actuels. Certains voient en lui le chantre du colonialisme, d'autres l'accusent d'être le fossoyeur des langues régionales. L'ambivalence du personnage fait oublier l'importance de son œuvre en matière d'enseignement. Bernard Toulemonde la rappelle dans le Monde en 2020.

Ces dernières années ont vu la publication de plusieurs livres sur cette période. Le "Dictionnaire amoureux de la Belle Époque et des Années Folles" de Benoît Duteurtre, paru en 2022, en fait un portrait très détaillé mais qui incite plutôt à la nostalgie. Dominique Houte au contraire nous en brosse un tableau très sombre (Les peurs de la Belle Époque, 2022).
On pourrait également citer de nombreuses biographies. Je n'en citerai qu'une qui met en lumière la complexité de l'époque. L'affaire Dreyfus reste présente dans toutes les mémoires et ne cesse d'intéresser chercheurs et biographes. En 2019 à été évoquée la possibilité de nommer Alfred Dreyfus général à titre posthume. L'occasion pour Philippe Oriol d'évoquer un protagoniste de l'affaire, le colonel Picquart (Le Faux Ami du capitaine Dreyfus. Picquart, l’Affaire et ses mythes, 2019).

La Belle Époque a fait récemment l'objet de plusieurs documentaires :
- Devantures - Flâner à travers la Belle Époque, Arte, 2023 (disponible sur Arte.tv).
- Laissez-vous guider : les mystères du Paris de la Belle Époque, Stéphanie Bern et Laurent Deutsch, 2023 (disponible sur France.tv).
- Une si Belle Epoque ! La France d’avant 1914, documentaire de Hugues Nancy, écrit avec la collaboration de Dominique Kalifa, diffusé sur FR3 en 2019.
On peut aussi citer "Histoires d'une nation : l'école - 1830 à 1945" diffusé en octobre 2022 sur France 2 et disponible sur France.tv.

Autre source d'inspiration, la littérature (Bel Ami, les Rougon-Macquart) mais aussi le Polar, qui est né à la Belle Époque. Qui n'a pas lu les aventures de Rouletabille (Gaston Leroux) et d'Arsène Lupin (Maurice Leblanc) ? La Belle Époque continue d'intéresser les auteurs de Polar, en témoigne L'Effet Domino, de F. Baranger, publié en 2019.

Même la BD s'est emparée de ce thème, sans doute parce que la Belle Époque permet de réaliser de magnifiques planches. Trois exemples d'album publiés récemment :
- Automne en baie de Somme, Philippe Pelaez et Alexis Chabert, publié en 2022.
- La fille de l'Exposition Universelle, par Manini et Willem, t2 (1867) et t3 (1878).
Thierry Groensteen nous rappelle dans un livre paru en 2022, que les premiers "illustrés" sont parus à la Belle Époque (La BD en France à la Belle Époque)...

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Critique du livre

13 Mars 2023, 10:00am

Critique parue dans le journal "Belles lettres" en mars 1902

Je connais beaucoup de jeunes journalistes qui troqueraient volontiers un poste, somme toute peu fatigant, de chroniqueur des débats à l’Assemblée ou d’échotier des soirées mondaines contre celui de critique littéraire. Ils imaginent sans doute que le critique littéraire passe ses matinées au lit à lire des chefs d’œuvre, les Mémoires d’Outre-tombe de Monsieur de Chateaubriand ou cet exquis Chevalier des Touches de Monsieur Jules Barbey d’Aurevilly. Il n’en est rien, malheureusement. Pour une œuvre tout juste passable, combien d’opus sans aucune qualité littéraire devons-nous lire ?
Le livre dont je vais vous parler aujourd’hui est de cette nature. Il a été écrit par une personne inconnue des cercles littéraires de la capitale et dont on murmure qu’il a passé une grande partie de sa vie dans une manufacture. Que n’a-t-il pas choisi d'y rester ? Je n’ai aucun préjugé contre les personnes qui se consacrent à l’industrie. Certains ont l’esprit à cela. Je pense cependant qu’ils ne devraient pas chercher à se hisser au niveau des gens de lettres. Il faut pour cela une éducation, un raffinement, une tournure d’esprit que l’on n’acquiert pas au milieu des machines, aussi perfectionnées soient-elles.
Le titre du roman que ce personnage a écrit est : Belle Époque, Expositions Universelles. La couverture porte la mention "tome I", car ce Monsieur a, semble-t-il, l’intention de publier un deuxième tome. Le titre aurait dû suffire à me convaincre de ne pas entamer la lecture de ce livre. Les expositions universelles ont défiguré notre belle capitale tous les onze ans depuis une cinquantaine d’années. Celle de 1889 nous a laissé cette abominable tour d’acier que Monsieur Eiffel a planté face au sublime Palais du Trocadéro, le seul bâtiment que l’on pourrait sauver de ces expositions. Mais ce Monsieur est de l’Industrie et sans doute apprécie-t-il ces démonstrations de mauvais goût que nous infligent ses collègues.
Passons sur le titre et venons-en au roman proprement dit. Il est malheureusement à l’image de ces romans réalistes que nous infligent les auteurs à succès de notre époque que l’auteur qualifie de "belle", on ne sait pour quelle raison. C’est une succession d’histoires immorales et d’adultères. Les femmes qui sont les héroïnes de ce roman sont des cocottes ou des dévergondées. Le divorce y est présenté comme une mesure d’hygiène sociale. Car, bien sûr, le mari, même s’il est un parlementaire défendant les valeurs traditionnelles de notre pays, est cocu et se laisse séduire par une chanteuse sans scrupule. Encore avons-nous échappé à des pages que je qualifierais de pornographiques et qui sont publiées dans une de ces nouveautés dont sont friands nos jeunes pervertis par la civilisation : un "bloque". (Bloque ou blogue, je ne sais pas. Ne me demandez pas de quoi il s'agit !) Molière avait-il un bloque ? Chateaubriand ? Et Monsieur Victor Hugo, dont je ne partage pas les idées, publiait-il ses poèmes sur un bloque ?
Personne ne s’étonnera si je dis que derrière cet avilissant portrait de notre société pointe une critique des plus malséantes de l’institution religieuse. Les héros sont, comme il se doit, libres-penseurs ou anticléricaux. Les religieux, qui recueillent les enfants abandonnés pour les élever dans la religion de nos ancêtres, sont présentés comme des êtres cupides et bornés et les avocats ecclésiastiques comme des personnages intéressés.
Si, encore, tout cela était bien écrit ! Pensez-vous, ce Monsieur ne semble pas avoir fréquenté les bancs de l’école. Il méconnaît les règles élémentaires de la grammaire. Il ignore, par exemple, qu’une négation comporte deux termes, un "ne" et un "pas", et qu’il convient d’écrire « ce n’est pas », et non pas « c’est pas ». Voyez, Monsieur Ferry, vous qui avez retiré aux religieux qui s’en chargeaient depuis des siècles le soin d’enseigner notre belle langue aux enfants, où nous en sommes arrivés ! On publie aujourd’hui des livres écrits par des ignorants à demi-analphabètes !
Vous l’aurez compris, ce livre ne mérite pas les paragraphes que je lui ai consacrés. Il est immoral, il véhicule une idéologie malheureusement très en vogue à notre époque et il est mal écrit. Non, Monsieur l’auteur, ce n’est pas notre époque qui est belle, c’était celle que nos parents nous avaient léguée et que vous vous acharnez à traîner dans la boue !

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Belle Epoque, avez-vous dit ?

9 Mars 2023, 10:00am

Publié par Hervé

Un peu d'histoire...

Nous avons évoqué dans ce blog la libération des mœurs pendant la deuxième moitié du XIXe siècle. À ce sujet, nous avons cité la formule d'Alain Corbin : oies blanches et maisons closes. Intéressons-nous au deuxième terme de la formule... Pourquoi parler de la prostitution à la Belle Époque ? La prostitution n'est-elle pas "le plus vieux métier du monde", qu'y a-t-il de particulier sous la IIIe République ?

La Révolution française se voulait vertueuse. Terreur et vertu, telle était le programme de Robespierre lorsqu'il a pris le pouvoir. À Paris, la commune prit des mesures sévères contre le racolage. Mesures qui restèrent probablement lettres mortes... Au début du XIXe siècle, le consulat se montre beaucoup plus pragmatique. La prostitution est tolérée. Les femmes qui ma pratiquent doivent se déclarer la préfecture (on dit qu'elles sont encartées) et elles sont soumises à un contrôle médical régulier. Le trésor public y trouve son compte : leur commerce est lourdement taxé... pour autant que toutes les passes soient comptabilisées. Certains historiens n'hésitent pas à parler de proxénétisme fiscal. Pas que fiscal, d'ailleurs. Lors de la Première Guerre mondiale, l'état-major a organisé le déploiement de "bordels militaires de campagne" pour soulager la misère sexuelle des millions de soldats sur le front. Sinistres camps de toile dans lesquels des filles enchaînaient les passes plusieurs heures durant.

Les prostituées opèrent en maison (maisons dites de tolérance) ou dans la rue. Le premier état garantit une certaine sécurité mais les pensionnaires des maisons ont peu de chance de pouvoir en sortir. Elles sont soumises à une discipline très stricte et les tenanciers font en sorte que leur compte soit toujours débiteur. Les filles qui opèrent dans la rue n'ont d'autre choix que de trouver un protecteur, un souteneur. Elles sont à la merci des exactions de clients violents, de souteneurs concurrents et sont régulièrement maltraitées par la police.

Pour de nombreux historiens, la IIIe République est un âge d'or de la prostitution. Les bordels ont pignon sur rue, on en compte une soixantaine à Paris à la fin du XIXe siècle. Il y en a un dans chaque sous-préfecture. Si on se réfère aux registres de la police, il y aurait eu plus de cent mille prostituées déclarées en l’espace de 30 ans entre 1870 et 1900. Ce nombre ne tient pas compte des prostituées clandestines, occasionnelles ou régulières. Les mêmes registres font état de sept cent mille procès-verbaux dressés au cours de la même période.

Toulouse-Lautrec a beaucoup illustré les bordels parisiens

On va au bordel sans se cacher. On y rencontre le tout Paris. On y traite des affaires commerciales, on y noue des alliances politiques. Certaines maisons comme le Sphinx ou le Chabanais comptent parmi leurs clients des ministres et des ambassadeurs. Il y en a pour toutes les bourses. Le bourgeois qui cherche à passer un bon moment avec une fille présentant bien et ayant un minimum d’éducation paiera dans les vingt francs (sans compter les consommations). L’ouvrier ou l’étudiant trouvera beaucoup moins cher dans des maisons moins réputées, trois francs, voire moins dans la rue. A moins qu’ils n’aillent dans certains débits de boisson où les serveuses acceptent de « monter à l’étage » avec le client.

Le commerce du plaisir ne se limite pas au domaine de la prostitution, déclarée ou non. La IIIe République est également célèbre pour ses courtisanes, immortalisées par le roman Nana d’Emile Zola. On se ruine pour une courtisane : encore faut-il avoir les moyens. Entretenir une danseuse ou une chanteuse de cabaret coûte moins cher. Les directeurs de théâtre et les patrons de cabaret, qui les paient fort mal, comptent d’ailleurs sur la générosité des protecteurs pour compléter les revenus des artistes féminines.

Les revues dites "humoristiques" ont diffusé une image beaucoup plus soft de la femme vénale que celle peinte par Toulouse-Lautrec

Il ne faut pas croire que la prostitution ait été acceptée par toute la société. Des mouvements abolitionnistes se sont fait entendre dès la fin du XIXe siècle. Les abolitionnistes considèrent, à juste titre, que le régime de prostitution réglementée institutionnalise une exploitation éhontée du corps des femmes et véhicule une image dégradante de celles-ci. (Le mouvement abolitionnisme est à rapprocher du mouvement féministe naissant à la même époque.) En France, il faudra pourtant attendre 1946 pour que les maisons closes soient fermées par décret à la suite d’une campagne de presse orchestrée par Marthe Richard, une ancienne prostituée qui s’est distinguée dans la résistance.

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Entretien avec Georges C, homme politique français

6 Mars 2023, 10:00am

Publié par Hervé

Making of, entretien avec Georges C., homme politique français

Malgré un emploi de temps très chargé, Georges C. a accepté de nous recevoir. Regard volontaire, moustache vindicative, il est aussi impressionnant en chair et en os qu'en photo.
- Brigouleix ? J'ai fait sa connaissance en mars 1871. Vous savez que j'ai été député de la Seine pendant quarante jours à l'assemblée nationale. (Il a un rire bref.) Ils m'ont rejeté, ces imbéciles...

Georges C. en 1871

Georges C. s'est levé. Il regarde par la fenêtre de son bureau au premier étage du ministère de l'Intérieur.
- Un drôle de bonhomme, ce Brigouleix. Profondément républicain mais foncièrement ambitieux... Il se posait beaucoup de questions à l'époque. Archambaud, vous connaissez Archambaud ? (Il s'est tourné vers moi.) Archambaud lui avait fait passer un offre du National et il me demandait s'il devait accepter. Finalement il a refusé et il est allé à la République Française. Il était Gambettiste à l'époque.
Un secrétaire est entré avec un parapheur. Georges C. prend le temps de lire la note avant de la signer en grommelant.
- Une sacrée plume... Trempée dans le vitriol. De Broglie ne decolérait pas. (Il laisse échapper un petit rire nasal.) Ni Dufaure. En 1876, je lui ai proposé de prendre la direction d'un journal au service des idées du groupe d'Extrême gauche à l'Assemblée. J'étais persuadé qu'il allait accepter et il a signé au Temps !
Georges C. fronce le nez. Visiblement, il n'a pas digéré...
- On est resté en froid jusqu'en 1881. On s'est revu au moment des obsèques de Gambetta. Brigouleix est un journaliste dans l'âme. Il sait que les informations n'arrivent pas toutes seules et qu'il faut aller les chercher.
Georges C. laisse passer un temps avant de reprendre :
- Mais c'était donnant donnant. Il était bien introduit dans les salons monarchistes à l'époque. Il me renseignait sur leurs manigances et je lui donnais des informations sur les discussions dans notre groupe parlementaire. Au fond (il pousse un soupir) on avait les mêmes intérêts même si on avait des divergences. Sur la politique coloniale, par exemple.
- Et quelle a été sa position au moment du scandale de Panama ?
Georges C. me regarde longuement avant de répondre. Il sait très bien où je veux en venir.
- On s'est rendu service mutuellement. La situation était compliquée... J'ai dû prendre un peu de distance avec la politique. J'ai rebondi avec l'affaire Dreyfus.
- L'attitude de Brigouleix a été ambiguë au cours de l'affaire Dreyfus.
- Il a suivi la ligne éditoriale du Temps. Qui était, somme toute, assez modérée si on la compare à celle d'autres journaux.
- Ensuite, il a soutenu un candidat monarchiste contre un de vos candidats aux élections législatives de 1898.
- Oui... Brignon... Un drôle d'oiseau, ce Brignon. Pas très futé mais profondément honnête. Il en est mort... Je n'ai pas compris pourquoi Brigouleix s'intéressait à lui. En tout cas, c'est grâce à Brigouleix qu'on a pu démasquer les assassins.
Le secrétaire passe la tête par la porte.
- Oui, oui... j'arrive.
Georges C. se lève et fait le tour du bureau. Sa poignée de main est franche. Virile, même.
- Je vous prie de m'excuser, j'ai une réunion avec mon cabinet.

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Que chante-t-on au début du XXe siècle ?

2 Mars 2023, 10:00am

Publié par Hervé

Un peu d'histoire en chansons au début du XXe siècle

Le début du XXe siècle voit l'émergence de nouveaux chanteurs-vedettes, comme Bach et Dranem. Mistinguett fait ses débuts au Moulin Rouge qui a ouvert ses portes en 1903.

Le répertoire se fait plus léger. Félix Mayol écrit "Viens Poupoule" en 1902 :
Viens poupoule, viens poupoule, viens !
Quand j'entends des chansons ça m'rend tout polisson
Ah ! viens poupoule, viens poupoule, viens !
Souviens-toi qu'c'est comm'ça que j'suis dev'nu papa

En 1906, c'est au tour de Vincent Scotto de sortir "La Petite Tonkinoise" :
Je suis gobé d'une petite
C'est une Anna, c'est une Anna, une Annamite
Elle est vive, elle est charmante
C'est comme un z'oiseau qui chante
Je l'appelle ma p'tite bourgeoise
Ma Tonki-ki, ma Tonki-ki, ma Tonkinoise
D'autres me font les doux yeux Mais c'est elle que j'aime le mieux.

En 1908, Raoul Georges se fend de l'inénarrable "Elle était souriante", qui en dit long sur la mentalité lasculine de l'époque :
... Les brigands furieux d'la voir rire lui attachèrent, les mains, les pieds,
Puis par ses cheveux la pendirent au plafond en face du plancher.
Refrain :
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrose soir.

Dans un registre marqué par un certain réalisme social, Benech et Dumont sortent coup sur coup en 1912 "La femme aux bijoux" (C'est la femme aux bijoux,  Celle qui rend fou, C'est une enjôleuse) et "L'Hirondelle du Faubourg", l'histoire tragique d'un'pauv'fille d'amour :
Comm' les autr's elle aurait p't'ètr' bien tourné,
Si son père au lieu d'l'abandonner,
Avait su protéger de son aile,
L'Hirondelle.

En 1913, Vincent Scotto écrit le poétique "Sous les ponts de Paris" pour le chanteur Georgel :
Sous les ponts de Paris, lorsque descend la nuit
Comme il n´a pas de quoi s´payer une chambrette,
Un couple heureux vient s´aimer en cachette,
Et les yeux dans les yeux faisant des rêves bleus,
Julot partage les baisers de Nini
Sous les ponts de Paris

À partir de 1910, la menace de plus en plus pressante de la guerre remet au goût du jour le comique troupier. On en est persuadé, la guerre sera courte !
Avec l'ami Bidasse
On ne se quitte jamais,
Attendu qu'on est
Tous deux natifs d'Arras-se,
Chef-lieu du Pas de Calais

Malgré l'impopularité de la loi des trois ans, le service militaire n'est-il pas l'occasion d'une initiation aux plaisirs de ka vie d'adulte ?
Quand Madelon vient nous servir à boire
Sous la tonnelle on frôle son jupon
Et chacun lui raconte une histoire
Une histoire à sa façon.
La Madelon pour nous n'est pas sévère
Quand on lui prend la taille ou le menton
Elle rit, c'est tout le mal qu'elle sait faire
Madelon, Madelon, Madelon !

 

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