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Belle Époque

Qu'est donc devenue Madame Bigot ?

3 Février 2023, 10:00am

Bonus

Eh oui, qu’est-elle devenue ? Elle avait bien aidé Louis, quand il s’est installé avec Antoinette. Vous vous dites, pendant le siège, elle n’a pas dû faire des affaires. C’est sûr… Mais elle a de la ressource, Madame Bigot. Elle a proposé ses services à la Croix-Rouge qui distribuait de la soupe au plus démuni. C’est que pour accommoder les animaux qu’on leur amenait, rats, pigeons, chevaux faméliques, et surtout pour ne pas en perdre un morceau, il faut avoir un certain savoir-faire. La soupe de madame Bigot était appréciée. Remarquez, quand on n’a pas mangé depuis deux jours, on ne fait pas la fine bouche.

Non, c’est après que ça a mal tourné. Elle n’a pas fui avec les bourgeois qu’on voyait détaler à la fin du mois de juin 71, avec une charrette remplie de trucs improbables, tableaux, horloges, malles, porte-manteaux, regardant autour d’eux d’un œil soupçonneux les prolos qui les toisaient d’un air goguenard en les abreuvant de quolibets. Et pourquoi serait-elle partie . Elle était appréciée, Madame Bigot. Elle avait rouvert son restaurant et il ne désemplissait pas. Elle avait embauché une jeune qui n’avait plus que la peau sur les os et qui a vite retrouvé de bonnes joues. À croire qu’elle s’enfilait la moitié de l’assiettée des clients entre la cuisine et la salle du restaurant. Elle ne disait rien, Madame Bigot. Les assiettes sont toujours bien servies, chez Madame Bigot.

C’est vers la troisième semaine d’avril que ça a mal tourné. La clientèle de Madame, ça n’était plus Anselme ou Monsieur Paul. Des gens qui payaient sans faire d’histoires. Les nouveaux clients, ils avaient toujours une bonne raison pour ne pas payer. Et mieux valait ne pas leur faire de remontrances, parce qu’ils rappliquaient avec quelqu’un du comité, qui lui faisait la morale. C’est qu’il ne faisait pas bon être patron, ou patronne, à cette époque. Même Albertine, la petite jeune qui s’envoyait des morceaux de viande crue dans la réserve, prenait ses aises. Elle passait plus de temps à roucouler avec ceux de la section des gardes nationaux de l’arrondissement qu’à faire le service ou la vaisselle. Et elle avait une façon de vous regarder avec un petit air insolent !

Alors, Madame Bigot a décidé de prendre ses cliques et ses claques. C’était en début mai. Elle s’était constitué un petit pécule avant la guerre. Et elle n’y avait pas touché. Elle a fait son baluchon et elle est partie en pleine nuit. Elle est passée par la poterne des peupliers. On lui avait dit que, là-bas, ceux qui faisaient la garde passaient plus de temps à boire et à taper le carton qu’à surveiller.

Les Versaillais avaient établi leur poste à la Vache Noire. Des gens qui fuyaient, il en passait tous les jours. Celle-là avait l’air d’une brave femme. En tout cas, pas d’une espionne. Elle avait caché ses économies et ses bijoux dans son corsage. Il y avait de la place, dans son corsage, parce que Madame Bigot avait une belle poitrine. Et si quelqu’un avait osé avancer une main pour la fouiller, il aurait pris une bonne gifle. Non, mais des fois !

Après ça, elle avait trouvé une charrette qui l’avait menée jusqu’à Arpajon. À Arpajon, elle avait trouvé un roulier qui avait accepté de l’amener à Étampes. Après un périple de trois semaines, elle était arrivée à Orléans. Elle avait un cousin maraîcher à Orléans. Ils se sont mis ensemble. En tout bien tout honneur, n’allez pas croire… et elle a ouvert un nouveau restaurant. Si vous passez par Orléans, je vous le conseille. Rue du Cheval rouge. Le Chapon rôti, vous ne pouvez pas le manquer !

Nota : Madame Bigot a tenu un restaurant rue de Reuilly sous le second empire. Chabot, l'homme à tout faire des entrepôts Marchal, y a amené Louis plus d'une fois. C'est dans le restaurant de Madame Bigot qu' eu lieu e repas de  noce de Louis.

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