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Belle Époque

Conditions de vie à la fin du XIXe siècle

, 16:14pm

Activité économique
 

La population de la France pendant la deuxième moitié du XIXe siècle est essentiellement rurale, occupée à des activités agricoles ou maraichères à proximité des villes (en particulier dans les communes qui entourent Paris). La situation à Paris, qui est le cadre du roman, est très différente. Le "peuple de Paris", celui qui a renversé Charles X en 1830 et Louis-Philippe en 1848, celui qui a proclamé la République le 4 septembre 1870, est principalement composé de boutiquiers et d'artisans avec leurs aides. La fonction publique à cette époque est beaucoup moins développée qu'elle ne l'est actuellement. A côté des agents de la fonction publique s'est constituée une vaste cohorte de commis travaillant dans le secteur bancaire en plein développement, chez des agents de change ou dans les grands magasins, comme le Bon Marché ou la Samaritaine (qui emploient également de nombreuses vendeuses).

Paris est aussi devenu au XIX une grande ville industrielle. Une multitude de très petites entreprises, constituées parfois d'un simple atelier, se sont installées dans les arrières cours des îlots d'habitation des quartiers de l'est et du centre. Elles coexistent avec des entreprises beaucoup plus importantes, comme les Ateliers de Batignolles qui emploient plus de 2000 ouvriers à la construction de locomotives. Les industries métallurgiques et mécaniques sont les industries "reine" de l'époque, mais elles ne sont pas les seules à rassembler de nombreux ouvriers. Des usines à gaz se sont également implantées dans plusieurs quartiers (usines de Montmartre, du Roule, de Passy) pour subvenir aux besoins de l'éclairage au gaz qui s'est répandu. Le chemin de fer est également un grand pourvoyeur de métiers qualifiés.

A côté de cette classe ouvrière de plus en plus nombreuse subsiste beaucoup de métiers traditionnels, couturières, blanchisseuses, marchandes de quatre-saisons, vendeuses, typographes, portefaix, cardeurs, rémouleurs, allumeurs de réverbère... ou simplement manœuvres s'employant à la journée.

Paris compte également bon nombre d'étudiants. Le secteur de la presse et celui des spectacles sont très développés.

 

À l'issue de la guerre contre la Prusse, le pays entre dans une période de longue stagnation. La perte de la Moselle l'a amputé d'une partie de son infrastructure industrielle et le tribut exigé par les Allemands a asséché l'épargne. La France peine à suivre le rythme de développement imposé par l'Angleterre et l'Allemagne. Le succès mitigé de l'Exposition universelle de 1878 témoigne de ce décrochage de la France qui est, par ailleurs, isolée diplomatiquement. C'est la seule république dans une Europe monarchique et elle ne peut pas profiter de la rivalité de l'Angleterre avec l'Allemagne du fait de sa politique coloniale en Afrique. À Fachoda, on est passé très près d'un conflit ouvert avec le Royaume uni !

La situation va s'inverser au cours de la dernière décennie du XIXe siècle, mais les prémices de ce redressement sont à chercher plus tôt, au cours des années 1880. L'Exposition universelle de 1889 est un authentique succès. L'investissement est reparti à la hausse, boosté par de grands plans d'investissements comme le plan Freycinet. En 1900, la France, qui accueille une nouvelle Exposition universelle ainsi que les deuxièmes jeux olympiques, est devenu un pays moderne et (relativement) libre. La génération qui parvient à l'âge adulte sait lire et écrire. Paris est devenue la capitale des arts et des lettres.

Salaires

L'évolution du salaire des ouvriers est assez bien documentée à partir de 1900. Les données sont plus rares auparavant mais nous disposons heureusement de travaux réalisés par plusieurs historiens. Le roman Belle Époque se déroule à Paris, nous nous intéresserons donc au salaire des ouvriers parisiens. 

À la fin du second Empire, un ouvrier mécanicien ou travaillant dans une forge gagne environ 3 F par jour. Il s'agit d'une valeur moyenne. Un manœuvre gagne deux fois moins et un contremaître deux fois plus. Le temps de travail journalier est variable. Il dépend encore de l'éclairage. On peut tabler sur 12 à 13 heures par jour,6 jours par semaine. Il n'y a, bien sûr, pas de congés payés. 

La pièce d'un sou (5 centimes)

En 1900, le temps de travail journalier est théoriquement limité à 10 heures par jour, 6 jours sur 7. Un ouvrier mécanicien gagne en moyenne 5 à 6 F par jour, soit 130 à 150 F par mois. Le salaire des femmes est deux fois moins élevé, comme celui des manœuvres (0,30 F de l'heure). Par comparaison, un instituteur débutant gagne entre 110 et 120 F par mois. Les salaires évoluent peu jusqu'en 1914 : un peu plus de 10% d'augmentation sur la période.
 
Pouvoir d'achat

Plusieurs personnages de ce roman sont issus de la classe ouvrière. La vie des ouvriers de l'époque est particulièrement difficile. On constate cependant au cours de la période une lente progression des salaires. Progression qui est accompagnée d'une amélioration tendancielle du pouvoir d'achat. Tendancielle parce que la part consacrée à l'alimentation est prépondérante. Le pain constitue l'aliment de base des familles ouvrières jusqu'à une date très avancée du XIXe siècle. Or, son prix reste soumis aux aléas des récoltes. Le prix de la livre de pain de froment peut varier de 20 centimes à 45 centimes (10 centimes à 30 centimes si le froment est mélangé à du seigle ou de l'orge). Il en va de même pour le prix du litre de vin, boisson de première importance du fait de la qualité incertaine de l'eau.

Sur le long terme, l'amélioration du niveau de vie est cependant incontestable. Le développement spectaculaire du réseau de voies ferrées et celui des industries et manufactures a permis une baisse des coûts. La viande, quasiment absente des dépenses des familles ouvrières à la fin du second Empire (hormis sous forme de tranches de lard dans la soupe), est plusieurs fois par semaine au menu des familles modestes en 1900. On trouve sur Internet des compte-rendus de travaux établissant la répartition des dépenses pour une famille ouvrière avec 3 enfants en 1906 en prenant pour hypothèse un salaire de 5 F par jour pour le père et de 2 F 50 pour la mère. L'alimentation représente 62% du budget, le logement 16%, le chauffage 5% et l'habillement 8%. Cela laisse peu de latitude pour l'épargne. Dans ce contexte, le chômage ou la maladie sont de véritables drames. Il faut avoir en tête qu'il n'y a ni sécurité sociale, ni assurance chômage et, bien souvent, pas de retraite...

La Première Guerre mondiale va bouleverser les équilibres. Elle va également mettre fin à la stabilité économique. L'inflation, quasiment absente avant guerre, va devenir endémique malgré les différents plans pour la juguler.

 

Que mange-t-on à la Belle Époque ?

Le 19 janvier 1864, Alexandre Dumas Alexandre Dumas a donné un repas mémorable qui est resté dans les annales sous le nom de repas des trente-deux couverts. Traiter ses invités de manière fastueuse est une marque de distinction et de richesse. La gastronomie française est devenue, sous le second empire, une fierté nationale. En 1867, Auguste Escoffier, le roi des cuisiniers et le cuisinier des rois, fait ses premières armes lors de l'exposition universelle. Il invente de nouveaux plats et ne tarde pas à devenir célèbre. A partir de 1884, il collaborera avec César Ritz et contribuera à donner aux hôtels de luxe construits par celui-ci une réputation européenne.

Il y a un monde entre le raffinement de la gastronomie des grands hôtels, ou celui des tables de l'aristocratie nobiliaire ou financière, et la frugalité, voire l'indigence de l'alimentation des ouvriers parisiens. Il y a pourtant une nette amélioration par rapport à la première moitié du XIXe siècle. Les traités de libre-échange ont permis de réduire le risque de disette en cas de mauvaises récoltes. Et surtout, la construction des halles centrales de Paris suivant les plans de l'architecte Baltard, a considérablement amélioré l'approvisionnement en nourriture de la capitale et réduit les coûts de transport et de distribution.

Au même moment, dans les années 1860, Pierre-Louis Duval invente le concept de "bouillon", à l'origine un restaurant où les ouvriers peuvent manger à prix réduit un hochepot de bœuf dans son bouillon. Les bouillons vont se multiplier. On en comptera plus de deux cent cinquante à Paris en 1900.

Au menu

On a beaucoup de témoignages sur l’alimentation dans la France rurale du XIXe siècle. Beaucoup moins sur celle des milieux ouvriers. Il y a deux grandes différences entre ces deux mondes. Tout d’abord, les familles ouvrières doivent acheter tout ce qu’elles consomment. Ensuite, elles ne disposent, le plus souvent, que de moyens très rudimentaires pour préparer les repas. Les familles les moins aisées n’ont même pas de fourneau dans leur logement exigu et sans aération. Il leur fallait aller trouver leur pitance dans des gargotes ou auprès de ce que l’administration appelait « marchands ambulants de viandes cuites », le mot viande ayant ici son sens originel d’aliment cuit (ce que nous appelons viande aujourd’hui était alors désigné sous le nom de viande de boucherie).

Marchande d'arlequins, Musée Carnavalet, marchande ambulante de "viandes cuites"

Dans les familles ouvrières, le pain et la soupe (ou les ragoûts pour les familles les plus aisées), constituent la base de la plupart des menus. Le chou et les fèves rentrent dans la composition de beaucoup de soupes. Les pommes de terre complètent le menu dans de nombreuses régions. La graisse, élément indispensable à la fois comme source de calories et pour se protéger contre le froid, est apportée par le lard ou le saindoux. Le lait occupe une place à part. Il est consommé frais par les enfants ou sous forme de babeurre ou de fromage par les parents. Le vin est sur toutes les tables (coupé d'eau pour les enfants). Ce n’est qu’à la fin du XIXe qu’on commence à prendre conscience de sa faible valeur nutritive en regard de sa nocivité pour la santé.

Une amélioration très progressive

La viande (de boucherie) est restée très longtemps un aliment de luxe. La charcuterie est plus abordable. Elle trouvera plus rapidement sa place dans l’alimentation des familles ouvrières. La mise au point des techniques de réfrigération va contribuer à démocratiser la viande, en particulier la viande de bœuf. Un autre produit se démocratise au début du XXe siècle avec l’introduction de la culture de la betterave à sucre, le sucre. Il va de pair avec le développement de la confiserie. La consommation du chocolat, autrefois réservée à une élite, s’est également répandue grâce à la culture extensive du cacao dans les colonies.

Une étude portant sur les dépenses d’une famille ouvrière en 1906 donne la répartition des dépenses de nourriture entre les différents postes. A cette époque, les dépenses de nourriture représentent encore 62% des dépenses d’une famille ouvrière, contre 16% pour le logement, 5,3% pour le chauffage et 7,8% pour l’habillement.