Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Belle Époque

Mimi, serveuse dans un bar

31 Janvier 2023, 10:00am

Bonus

Moi, je voulais pas. Ce sont les autres filles… Je suis sûre qu’elles l’ont fait exprès. Pour me piéger. Le patron veut pas qu’on reste à ne rien faire après notre numéro si un client arrive. Et quand Léon Brignon est arrivé, comme par hasard, j’étais la seule qui était disponible… J’ai bien vu qu’elles se faisaient un clin d’œil ! Elles le savaient, que j’étais la meilleure amie d’Odette.

Seulement, Léon, c’est pas un client comme les autres. Il prend tout pour argent comptant. Il a cru que j’en pinçais pour lui, et ça l’a flatté. Après… Il ne voulait plus me lâcher. Pourtant, Odette est bien mieux que moi. Je comprends pas…

Enfin, si… Les filles comme moi, quand on a un physique banal, si on veut retenir les hommes, faut leur faire des trucs que leur femme ne leur font pas.. Je suis sûre qu’Odette n’avait pas besoin de ça quand elle était avec nous. Avec le physique qu’elle a, elle pouvait poser ses conditions. Moi, c’est pas pareil. Oui, je sais, c’est pas très reluisant, mais qu’est-ce que vous voulez… Léon, ça lui a plu. Il avait beau avoir la plus belle femme de Paris, il aimait ce que je lui faisais. Il ne pouvait pas s'en passer. On est resté deux ans ensemble. Il venait tous les mardis. C’était son jour.

Et puis, le patron a voulu changer le programme. Il a fait venir des petites annamites. C’est à ce moment là qu’a commencé la dégringolade. Léon est tombé amoureux d’une petite contorsionniste. Mignonne. Si on aime les asiatiques, bien sûr. Et plus jeune que moi. Alors il m’a laissé tomber. Allez retrouver quelqu’un à mon âge ! J’ai trente-trois ans. La petite annamite a combien… Dix-sept ? Dix-huit ? Allez lutter contre une jeunette. J’ai bien compris que le patron ne me gardait que parce que j’étais avec Léon. Dès qu’il a vu que Léon préférait la petite contorsionniste, le patron m’a virée. Je me suis retrouvée sans ressources. Alors, évidemment…

J’ai cherché un autre engagement. On n’a pas voulu de moi. Nulle part. J’avais un peu d’argent de côté, mais ça file vite, l’argent. J’ai tenu un mois. Au bout d’un mois, j’étais bien obligée de faire comme les autres. Comme les filles qui n’ont pas de mec et pas de boulot. Vous croyez que ça me plaisait ? Y en a qui pensent qu’on fait ça par plaisir… J’voudrais bien les y voir ! Parce qu’on rencontre des beaux salopards, quand on fait le trottoir. Des tarés ! Des vicieux.

Je me suis fait coffrer au bout de trois semaines. Remarquez, c’est ça qui m’a sauvée. Je suis restée un mois en prison. C’est là que j’ai rencontré une bonne sœur qui m’a prise en pitié. Elle m’a obtenu une place comme serveuse dans un bar. Un bar comme il faut. Où les clients viennent pour consommer, pas pour tripoter les serveuses. Même s’il y en a qui essaient. Mais s’ils se font piquer, le patron les vire aussi sec. Je gagne beaucoup moins qu’au Paris Tropical, mais le soir, je peux me regarder dans la glace. Je fais un boulot honnête.

C’est pas beau quand même, ce que je vois dans la glace. J’ai picolé pendant que je faisais le trottoir. Et ça m’arrive encore de prendre une cuite, les jours de cafard. Ça laisse des traces.

L’autre jour, quand j’ai vu Odette au tribunal, ça m’a fait un choc. J’aurais bien aimé qu’on reste amie. Mais je la comprends, elle voulait tirer un trait sur sa vie d’avant… Et maintenant, c’est trop tard. Après ce qui c’est passé. Après ce que je lui ai fait…

Commenter cet article