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Belle Époque

L'amour à la Belle Époque

6 Février 2023, 10:00am

Publié par Hervé

Un peu d'histoire...

Le XVIIIe siècle a été libertin. Le XXe s'annonce chaste et prude. La vague romantique qui déferle sur l'Europe ressuscite une image de l'amour très éthérée. Une version revisitée de l'amour courtois. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la littérature remet en même temps au goût du jour le moyen-âge et les chevaliers.
La femme pour laquelle soupire l'amant romantique est un ange de pureté. On la frôle, elle rougit et confie ses émois à son journal intime. L'amour le plus absolu ne se réalise que dans la souffrance. Toute union est impossible; l'être aimé, soumise à l'autorité paternelle ou mariée à un barbon plus âgé qu'elle, ne sacrifie pas son honneur à son amour et l'amant malheureux la vénère d'autant plus !


Jusqu'à quel point le roman reflète-t-il la réalité du moment ? Difficile à dire. Tentons un début d'analyse. Le code civil (le code Napoléon) a consacré la totale soumission de la femme à l'autorité paternelle, à son mari ou à l'autorité d'un tuteur de sexe masculin. La femme est donc devenue "la propriété" du père, du mari ou du tuteur. Les mariages arrangés sont la règle dans la noblesse ou la bourgeoisie. La femme adultère est sévèrement punie (l'homme n'écope que d'une amende). La fille mère, même si elle a été violée (on dit "forcée") n'est pas une victime, c'est une réprouvée. C'est que la restauration a rétabli un ordre moral et religieux très strict qui vient légitimer l'iniquité de la loi. Ce contexte explique sans doute en partie la récurrence du thème des amours impossibles dans la littérature de l'époque.
À partir de 1860, les choses commencent à changer. La jeunesse qui monte à Paris, attirée par les opportunités qu'offre la révolution industrielle, est, de ce fait, libérée du carcan parental et de la pression sociale très forte en province. Loin des parents, on peut laisser libre cours à ses sentiments, voire, même, se marier sans leur consentement. Le romantisme n'est plus de mise. "Les Souffrances du jeune Werther" ne font plus recette. On leur préfère le réalisme d'un Flaubert et la description crue des contraintes du mariage de "Madame Bovary". Un roman dont "l'obscénité" valut à son auteur d'être trainé en justice...


La Belle Époque est-elle pour autant une période de libération des mœurs ? Voire... Certes, on ose désormais afficher ses relations. Le plaisir n'est plus tabou. Le rétablissement du divorce en 1884 (pour faute) permet aux femmes de se séparer d'un mari violent ou par trop volage. Mais, le code Napoléon, même s'il a dû s'adapter (notamment du fait de l'accès des filles et des jeunes femmes à l'enseignement), reste, pour l'essentiel, applicable. Les femmes n'ont pas les mêmes droits que les hommes et leurs "écarts de conduite" ne sont pas considérés de la même façon. Alain Corbin résume la situation des femmes au XIXe siècle par une formule : oies blanches ou maisons closes. Car, si la femme doit faire très attention à sa réputation, il est admis que l'homme ait une vie très libre. Le jeune homme ne doit-il pas "faire des expériences" ? Quant à l'homme marié, il est "dans sa nature" d'aller chercher hors de du mariage les plaisirs que la décence interdit à sa femme de lui procurer. C'est l'époque des "grisettes" et des "lorettes", jeunes femmes pauvres contraintes de faire commerce de leurs charmes pour nourrir un enfant, c'est aussi celle des cocottes dans le salon desquelles on se presse. C'est surtout celle des bordels, qui ont pignon sur rue, où l'on rencontre le tout Paris. Le tout Paris masculin, s'entend. Des mouvements féministes existent,  sous l'impulsion de femmes remarquables comme Marie Deraisme ou Hubertine Auclert, mais ils sont très minoritaires. Les choses commenceront à changer après 1900 : les jeunes femmes qui ont 20 ans en 1900 sont passées par l'école publique, elles savent lire et écrire, et certaines ont fait des études supérieures.
Un clin d'œil pour terminer. Les techniques de reproduction se sont democratisées au cours de la Belle Époque. Dans le même temps, la liberté de la presse a fait des progrès. Les publications dites "coquines" se multiplient. D'abord timide, la tendance s'affirme au début du XXe siècle. La magazine "La Vie Parisienne", dont la vocation initiale était essentiellement culturelle, prend le tournant et devient un "magazine pour hommes", aguichant le client pas sa couverture représentant une femme dans une position... embarrassante, ou carrément croquignolette. La photographie ne tarde pas à emboîter le pas de la presse. Les photos de nus se diffusent sous la manteau... On en trouve encore dans les brocantes !

D'après La Vie Parisienne

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