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Belle Époque

Lettre de Lucienne Pommiers à sa sœur Eugénie

13 Janvier 2023, 10:00am

Paris, le 21 février 1896

Ma chère Eugénie,

Je te prie de m'excuser de ne pas avoir répondu tout de suite à ta gentille lettre. Le temps passe si vite ici. Tu ne peux pas t'imaginer ! Ce que tu m'écris au sujet du petit Mathieu me chagrine. Tu devrais lui donner des gouttes de teinture d’échinacée. Essaie aussi les cataplasmes à la graine de moutarde. Mais tu connais tout ça. J'espère que ça lui passera bien vite.

La vie ici suit son cours. Monsieur Louis travaille beaucoup. Il n'est pas très gai, cet homme-là. Mais il prend soin de ses enfants et me questionne régulièrement sur ce qu'ils ont fait dans la journée et à l'école. Il attache beaucoup d'importance à l'école. La petite Armande est vraiment très gentille. Il faut voir comment elle joue au piano. Même le professeur de piano est étonné. Il me dit, Madame Pommiers, je n'ai jamais eu une élève aussi douée ! Il paraît que sa maman était comme elle. La pauvre femme, mourir si jeune. À l'heure qu'il est, elle doit être au paradis. Depuis que je suis ici, je n'entends dire que du bien d'elle.

Le garçon est un peu plus difficile. C'est un bon gars, mais il est lunatique. Parfois il s'enferme dans sa chambre sans qu'on sache pourquoi. Après ça il peut rester plusieurs jours sans parler. Madame Juliette, la dame dont je t'ai déjà parlé, est la seule qui puisse le raisonner et le sortir de sa mauvaise humeur. Elle dit qu'il n'a pas encore fait le deuil de sa maman. Ça se comprend, perdre sa mère à son âge !

Je me suis disputée avec une voisine. Une certaine madame Barbet. Elle se mêle de tout et veut tout savoir. Elle me fait penser à Madame Blachon, la voisine avec laquelle maman s'était brouillée. Je lui ai dit à cette dame "Mais laissez donc Monsieur Louis tranquille. Il a assez de peine comme ça !" Ça ne lui a pas plu. Tant pis pour elle. Yolande dit qu'il faut se méfier d'elle, que c'est une langue de vipère. On verra bien, j'ai ma conscience pour moi.

À part ça je continue de bien m'entendre avec Yolande. On fait de longues promenades ensemble et on va dans les grands magasins. Il y en a de très grands, la Samaritaine et le Bon Marché. On y trouve vraiment de tout, tu ne peux pas t'imaginer. C'est à peine croyable. Même des choses dont on n'a pas besoin. Mais tout est très cher. De toute façon je préfère économiser ce que me donne Monsieur Louis plutôt que de dépenser pour des choses qui ne me serviront à rien.

Je t'embrasse très fort. Prends bien soin de Mathieu. Dis-lui que sa tante pense bien à lui. Passe aussi le bonjour à madame Mortain. Madame Juliette est couturière comme elle, ça m’a fait penser à Madame Mortain.

Ta sœur Lucienne

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