May I have a ticket to London
Le mystère des carnets volés (extrait)
Paul partit le lendemain de la gare du Nord et passa une nuit à Boulogne. Il avait acheté pour l’occasion un carrick et un chapeau en poil de lapin chez un fripier. Ainsi accoutré et entortillé dans son inénarrable écharpe en grosse laine, il ressemblait à un épouvantail. Paul, d’ordinaire soucieux de son apparence, ne regretta pas son choix. Il effectua la traversée de Boulogne à Folkestone une main agrippée au bastingage et l’autre maintenant fermement son chapeau, contemplant avec appréhension le déferlement des vagues qui agitaient furieusement le steamer. La prochaine, ou la suivante, ne manquerait pas de retourner le navire et, dans ce cas, il serait irrémédiablement entraîné vers les abysses par le poids du carrick. Il en avait pris son parti, cela valait mieux que de périr de froid en tâchant de surnager. Paul craignait autant l’eau que le froid. Et s’il fallait mourir, Paul souhaitait mourir dignement, avec son chapeau.
Port de Boulogne - boutique Alamy
Une fois débarqué à Folkestone, Paul changea de l’argent et prit le train pour Londres. Il avait quelques notions d’anglais, mais, par prudence, il avait noté quelques phrases de la vie courante sur un calepin :
— May I have a ticket to London ?
— Do you have a room available for one night ?
— Give me some salt, please…
Il n’eut donc pas de difficultés à se faire comprendre. L’interprétation des réponses s’avéra, en revanche, plus problématique. Le citoyen des îles britanniques, comme chacun sait, prononce sa langue d’une manière qui la rend à peu près incompréhensible aux étrangers.